mardi 7 février 2012

Régulateurs et évolution.

Un petit article (plutôt un éditorial) intéressant intitulé "Dangerous adaptation: the evolution of risk" dans le magazine Risk (D. Rowe, Octobre 2011, p76, http://www.risk.net/risk-magazine/opinion/2108324/dangerous-adaptation-evolution-risk).

L'auteur décrit la gestion des risques et la régulation dans une perspective d'évolution dans le sens darwinien du terme. Je voudrais relever quelques phrases (la traduction est de moi): "Cette réalisation met en évidence la futilité fondamentale des tentatives de diriger des institutions financières en utilisant des micro-régulations détaillées, spécialement quand les règles n'évoluent pas sur des semaines ou des mois mais des années.", "Il y a beaucoup de critiques des méthodes utilises par les agences de notation pour déterminer quelle quantité de subordination était nécessaire pour une obligation garantie par des crédits subprime pour atteindre le statut AAA, et la loi de Goodhart est une de celle-ci: une fois que les agences ont publié leur méthodologies, le marché commence a les contourner de toutes les façons possibles. Cela sape la fiabilité déjà limitée des notations." et "Pendant que les politiciens et les régulateurs sont en retard d'une guerre, il est essentiel pour les gestionnaires de risque de rester alerte aux différentes manières dont les marchés et les institutions financières adaptent leurs produits et stratégies."

Cela va dans le sens de mon opinion sur une approche différente de la régulation: moins de règles et plus de jugements.

La référence a la loi de Goodhart ne doit pas seulement être vue dans le sens d'un comportement humain qui consiste a utiliser une règle a son avantage. Dans certain cas c'est aussi un résultat technique. En utilisant une règle imparfaite dans une technique d'optimisation, on n'optimise pas seulement le résultat (c'est la bonne partie) mais on optimise (maximise) également l'imperfection (c'est la mauvaise partie).  Dans un article relativement ancien (Using value-at-risk to control risk taking: how wrong can you be?, J. of Risk 1(2), 1999), les auteurs montrent qu'en optimisant certaines caractéristiques d'un portefeuille (par exemple le rendement) avec des limites sur une mesure de risque utilisée par les régulateurs (value-at-risk - VaR), la mesure sera biaisée vers le bas. Autrement dit, une fois la règle connue, on sous-estimera naturellement et systématiquement le risque même en l'absence d'intention de la contourner. Peut-être même pire, ceux qui font confiance dans la mesure officielle et l'utilisent dans leurs choix stratégiques seront systématiquement trompés et prendront plus de risque que voulu.

Il y a dans le code de la route la notion de conduite dangereuse. Une notion un peu vague mais qui permet d'écarter les fous du voulant. Peut-être une notion similaire devrait-elle apparaitre dans la régulation des institution financières. Ce n'est bien sur pas une panacée mais un outil utile s'il est mis dans de bonne mains. En parlant de bonnes mains, on revient sur la nécessité d'avoir des régulateurs compétents avec des connaissances et expériences équivalentes a celles disponibles dans les banques. Est-ce la cas? Je n'ai jamais vu un régulateur belge parler a une conference internationale de finance quantitative, ni vu un article technique écrit par l'un d'eux; il est donc difficile de répondre a la question. Le refus en Belgique de ces régulateurs de donner accès a une commission parlementaire a leurs documents, ne renforce pas la conviction que c'est le cas.