dimanche 27 janvier 2013

Fraude aux produits dérivés Monte Dei Pasci: où sont les régulateurs

Un sujet de l'actualité financière qui est fort peu mentionné dans la presse francophone est le scandale de la plus veille banque du monde, la banque italienne ayant son siège à Sienne, Banca Monte Dei Pasci.

Il semble que la banque a besoin d'un troisième sauvetage par l'état depuis le début de la crise. La banque est en difficulté depuis le début de la crise. Le pourquoi des difficultés et le mauvais plan d'entreprise qui a mené à ces difficultés n'est pas le point important de l'affaire. Ce qui est intéressant, ou plutôt extrêmement triste, c'est que depuis trois ans les régulateurs ont laissé les cadavres dans les placards malgré trois sauvetages.

Les régulateurs, c'est en grande partie la Banque d'Italie. Et qui était responsable de la banque d'Italie de 2006 à 2011, personne d'autre que le gouverneur actuel de la Banque Centrale Européenne (BCE), Mario Draghi. Oui cette même BCE à laquelle les nouvelles règles européennes veulent confier la supervision des banques. Comment espérer qu'une institution qui n'a pas de tradition dans la supervision, dirigée par l'ancien responsable d'un superviseur qui a failli trois fois dans sa mission pour une banque où on savait qu'il y avait des problèmes réussisse sur une plus grande échelle pour des milliers de banques pour lesquelles on ne sait pas a priori s'il y a des problèmes?

Bien sur maintenant en Italie et en Europe tous le monde se rejette la responsabilité. La BCE dit que c'est de la responsabilité des autorités nationales. Le ministre de l'économie, Vittori Grilli, indique que c'est la responsabilité de la Banque d'Italie. La banque d'Italie repousse les critiques en disant que les erreurs étaient tenues secrètes par le management de la banque.

Et comment ces problèmes de pertes de plusieurs milliards d'euros étaient-ils cachés? La bonne veille technique éprouvée par la Grèce et bien d'autres de faire une transaction de produits dérivés et de la rentrer dans la comptabilité avec les règles en vigueur! Rien de nouveau, il y a des règles établies, basées sur aucun principe de réalité économique derrière lesquelles ont pour cacher ce que l'on veut. La Grèce, Dexia, Monte Dei Pasci, même combat. Les ressemblances avec Dexia s'étendent au fait que la banque Monte Dei Pasci est fortement liée par son actionnariat à différent mouvement politiques.

C'est un des problème de la crise actuelle. Il n'y a pas seulement un problème de crise financière ou économique mais en plus une vraie crise de confiance (voir mon blog de 2011: Econome avec la vérité!). Personne n'a confiance en personne parce que les régulateurs et les auditeurs, qui devraient donner de la confiance, remplissent des formulaires et ne font pas d'analyse critique. Et je ne parle pas des agences de notations. Comme dans le cas Dexia, il y a une banque en Italie avec de gros problèmes structurels, comme tous les responsables (politiques et régulateurs) sont impliqués, personne ne veut nettoyer les écuries d'Augias. Donc le problème reste, coute de plus en plus cher aux citoyens qui payent des taxes, on use beaucoup d'énergie à cacher la vérité, a remettre à demain les décisions et à repousser la responsabilité sur d'autres.

J'en reviens à une de mes proposition sur la régulation: moins de régulation et des meilleurs régulateurs. Ou à la rigueur supprimer les régulateurs. La suppression des régulateurs n'est pas mon premier choix, mais serait mon deuxième choix devant celui d'une horde de régulateurs inutiles. Les lecteurs intéressés peuvent retrouver certains détails de ces propositions dans mes posts avec le libellé Régulateur.

La taxe sur les transactions financières en préparation va dans la même (mauvaise) direction. Des règles multiples et compliquées que les acteurs économiques vont passer beaucoup de temps à contourner plutôt que d'ajouter de la valeur réelle en produisant des services et des biens. Demain pour votre petit déjeuné, vous aurez trois contournements de règle mais plus de pain. Bon appétit et merci aux bureaucrates.

Pendant ce temps en Italie le scandale de Monte Dei Pasci (un de plus) se déroule à moitié caché. Personne ne veut l'analyser sérieusement parce que les régulateurs (italiens et européens) et les politiques qui pourraient faire une analyse publique ne sont pas tout blanc dans cette histoire. On continue a remettre à demain la résolution des problèmes liés à la crise.


samedi 26 janvier 2013

KBC: chers emprunts et faux capital.

Une double nouvelle à propos de KBC dans la presse: la banque rembourse à la BCE les chers emprunts LTRO et elle doit prendre en compte la réalité d'un capital inexistant.

LTRO de la BCE


Il y a un peu plus d'un an, la Banque Centrale européenne (BCE) avait proposé aux banques un des prêts appelés LTRO pour Long Term Refinancing Operation. Cette offre avait été qualifiée par des pseudo-expert et la presse de "prêts de trois ans à 1% qui est un taux d'intérêt très bas". Ceux qui lisent des sources un peu mieux renseignées, dont mon blog, savaient que ces prêts était pour une durée de minimum un an et maximum trois ans, avec une option hebdomadaire de remboursement par l'emprunteur, avaient comme taux le taux hebdomadaire des MRO, une formule de paiement des intérêts alambiquée et un intérêt élevé.

Un an après le début des prêts les faits parlent d'eux mêmes. Des banques qui avaient emprunté à la BCE ont décidé de rembourser 137 milliards (voir ici). Il y a  par 278 banques qui ont pris cette décision. Autant pour les pseudo-experts qui avaient parlé de 3 ans.

Le taux payé par les banques n'est pas indiqué par la BCE. C'est n'est pas surprenant étant donné le manque de transparence général de la BCE sur ce programme en particulier. Ce n'est néanmoins pas acceptable pour une institution publique de cacher ces chiffres. J'ai fait un petit calcul rapide et approximatif. Approximatif car les données nécessaires ne sont pas fournies par la BCE. En prenant un taux de 1% pendant 29 semaines et 0.75% pendant 23 semaines (le taux a été abaissé à 0.75% le 11 juillet 2012), on obtient avec la méthode de calcul bizarre choisie par le BCE un intérêt de 8,993 EUR par million. C'est-à-dire un taux de 0.8894%. Autant pour les pseudo-experts et leur 1%. A noter que si le calcul des taux avait été fait comme il est traditionnel pour les intérêts en les composant, on aurait obtenu 9,032 EUR d'intérêts par million. Sur le montant de 137 milliards repayé cette année cela fait un cadeau de 5,44 millions. Bien sur il reste encore plusieurs centaines de millions qui pourrons rester dans le programme pour encore deux années supplémentaires. Donc le cadeau total est inconnu. Mais il se monte déjà à plus de 5 fois ce montant et d'ici 2 ans on peut estimer que cela fera entre 50 et 100 millions d'EUR de cadeaux cachés dans une formule bizarre. Merci la BCE!

Pourquoi les banques remboursent-elles ces montants alors que les pseudo-expert parlaient de taux avantageux? La réponse est simple et toujours la même, parce que les pseudo-experts ne savent pas de quoi ils parlent. Le taux de 0.75% est le taux des MRO hebdomadaire, c'est à dire un taux pénalisant qui est 0.75% plus haut que le taux de dépôt. Les banques qui se prêtent entre elles entre banques de confiance se prêtent en général à un taux proche du taux de dépôt de la BCE. Le taux EONIA qui est une moyenne pondérée de ces transactions journalières, est en dessous de 0.10% depuis quelques mois. Une banque en bonne santé peut emprunter dans le marché au jour le jour à du 0.10%. Si elle va à la BCE pour emprunter à du 0.75% (même si ce taux est un peu trafiqué), c'est qu'elle n'est pas en bonne santé. Les banques faibles, comme KBC, avaient emprunté au LTRO de la BCE par peur de ne pouvoir couvrir leur besoins au jour le jour dans le marché ou même à la semaine auprès de la BCE. Pour accepter de payer 0.65% de pénalité juste de peur de se voir refuser un prêt pendant les trois ans à venir, il fallait que le business modèle de l'institution soit vraiment en péril.

Le remboursement indique que KBC se sentait en péril à la fin 2011-début 2012. Sur l'année dernière, elle a payé plus de 50 millions (0.65% sur 8.3 milliards) de pénalité pour garantir sa liquidité. Maintenant elle estime que sont bilan est moins en danger et elle ne désire plus payer ces pénalités sur toute l'année. Mais elle peut encore faire des demandes hebdomadaires lors de MRO et ne payer que les pénalités hebdomadaires.

On ne peut pas appeler cela une victoire, ni une "très solide position de liquidité" comme le fait Luc Popelier le CFO du groupe. Le patient s'éloigne de la salle de soins intensifs. Pour participer à une compétition de haut niveau il faudra encore attendre. Encore que, comme ce n'est pas du sport mais du business trafiqué avec comme arbitre la BCE, il est permis de participer à la compétition vélo, même quand on est pas en bonne santé, qu'on est dopé (et KBC est bien plus dopé par les aides d'état et de la BCE que ne l'était Amstrong) et qu'on est poussé par le commissaire de course dans les côtes.

On pouvait lire dans la presse: "Selon les estimations des économistes, ce sont les banques espagnoles, italiennes et françaises qui ont eu le plus recours aux LTRO, suivis de l'Allemagne et de l'Irlande." Il est inacceptable qu'il faille se reporter aux "estimations des économistes" pour ces chiffres. Ces chiffres devraient être rendu public par la BCE. Pourquoi la banque centrale et les régulateurs couvrent-ils les maillons faibles du système au détriment du public et des parties saines du système?

Faux capital


La deuxième information parue dans la presse, et encore une fois sans beaucoup d'analyse critique, est que KBC va perdre un partie de son capital qui n'a jamais existé. Mais la encore mes lecteurs fidèles ne seront pas surpris, (voir ici et ). Comme Dexia l'avait fait en son temps avec le Holding communal et d'autres, KBC l'a fait avec KBC Ancora et Cera: la banque a prêté à ses actionnaires pour participer à son augmentation de capital. C'est-à-dire un capital qui n'a jamais existé est repris dans le bilan. Il avait fallu quelques années aux régulateurs pour ce rendre compte de ce petit problème de quelques milliards. Et ils ont réagi "rapidement": ce capital imaginaire de sera plus comptabilisé dans les chiffres des régulateurs à partir de 2014 (plus de 5 ans après les faits) et ce à concurrence de 20% par an. Donc le "petit" problème sera réglé 10 ans après être apparu. Il n'y a pas à dire, ça c'est de la célérité de la part de nos régulateurs experts. En attendant, KBC se prépare doucement à la nouvelle réglementation qui reflète un vielle réalité. KBC a demandé à ses actionnaires de rembourser les prêts et d'aller emprunter ailleurs… et les actionnaires sont incapables de faire ces deux choses. La réalité revient en première ligne (où elle aurait du rester). La perte immédiate pour KBC serait de 20 à 25% du montant de 500 millions (i.e. 100 à 125 millions). Pour le montant restant, on verra plus tard.

Le plaisir peut s'appuyer sur l'illusion, mais le bonheur repose sur la réalité. 
Chamfort  - 1741 - 1794